Damas – 22 août : La Syrie se prépare à émettre de nouveaux billets de banque dont la valeur sera réduite de deux zéros, dans une vaste tentative de rétablir la confiance dans la livre syrienne affaiblie, selon plusieurs sources bancaires et gouvernementales.
Cette mesure s’inscrit dans un programme plus large de réformes budgétaires et monétaires, engagé après la chute du président Bachar al-Assad en décembre dernier, qui a mis fin à un conflit de quatorze ans. Depuis 2011, la livre syrienne s’est effondrée, perdant plus de 99 % de sa valeur.
La Banque centrale confirme la réforme monétaire
Le gouverneur de la Banque centrale, Abdelkader Husrieh, a confirmé le projet, le qualifiant de « pilier stratégique » de la réforme.
« Nous avons formé des comités avec les banques publiques et privées, ainsi qu’avec des experts, pour préparer le changement », a-t-il déclaré à Al Arabiya, en décrivant la nouvelle monnaie comme une « nécessité ».
Le calendrier exact reste à définir, mais les banques commerciales ont été invitées à être prêtes d’ici la mi-octobre, pour un lancement officiel prévu le 8 décembre – date du premier anniversaire de la chute d’Assad.
Une « période de coexistence » de douze mois permettra la circulation simultanée des anciens et des nouveaux billets jusqu’en décembre 2026.
Pourquoi réévaluer la livre ?
Avec un taux de change avoisinant désormais 10 000 livres pour un dollar (contre 50 avant la guerre), les transactions de base sont devenues impraticables. Les consommateurs doivent souvent transporter des sacs en plastique remplis de billets de 5 000 livres – la plus grande coupure actuelle – simplement pour acheter des denrées alimentaires.
La Banque centrale espère que la réévaluation permettra de :
-
Simplifier les transactions quotidiennes et réduire la manipulation encombrante des espèces.
-
Améliorer la surveillance de la masse monétaire, alors qu’on estime que 40 000 milliards de livres circulent en dehors du système bancaire officiel.
-
Marquer une rupture politique symbolique avec l’ère Assad, les billets actuels portant les portraits de l’ancien président et de son père, Hafez al-Assad.
Impression en Russie
Selon des sources bancaires commerciales, la Syrie a conclu un accord avec l’imprimerie d’État russe Goznak pour produire les nouveaux billets. Goznak avait déjà imprimé la monnaie syrienne sous le régime Assad.
L’accord aurait été finalisé lors de la visite à Moscou d’une délégation syrienne de haut niveau fin juillet.
Les implications politiques et économiques
La réévaluation revêt une importance à la fois symbolique et pratique.
La nouvelle direction du pays a levé les restrictions sur les devises étrangères afin d’ouvrir l’économie. Cependant, la Syrie reste fortement dollarisée : les prix du carburant, de l’alimentation et des biens de consommation sont souvent indiqués directement en dollars. Cela soulève des inquiétudes quant à la capacité de la nouvelle livre à s’imposer sans une réglementation stricte.
L’économiste Karam Shaar, conseiller auprès des Nations Unies, a affirmé que le remplacement des billets de l’ère Assad était politiquement indispensable, mais il a mis en garde contre certains risques :
« La réévaluation pourrait désorienter les consommateurs, en particulier les personnes âgées, et il n’existe pas de cadre clair pour une mise en œuvre nationale complète », a-t-il souligné.
Il a suggéré que l’émission de billets de plus forte valeur – 20 000 ou 50 000 livres – aurait pu produire des effets similaires à moindre coût, évitant une opération qui pourrait coûter plusieurs centaines de millions de dollars.
Les prochaines étapes
La Banque centrale prépare une campagne nationale d’information pour expliquer la transition. Les banques ont reçu l’instruction de moderniser leurs infrastructures, de tester les systèmes automatisés et d’augmenter leur capacité de gestion des espèces avant le déploiement.
Malgré ces préparatifs, des doutes persistent : la réévaluation permettra-t-elle réellement de stabiliser l’économie fragile de la Syrie, ou ne sera-t-elle qu’une tentative coûteuse de plus pour gérer une monnaie toujours sous forte pression ?