Une baisse attendue des taux par la Banque nationale suisse pourrait compresser les marges bancaires et exposer le système financier à de nouveaux défis.
À l’approche de la prochaine réunion de la Banque nationale suisse (BNS), les économistes prévoient une baisse du taux directeur à zéro. Une décision en apparence prudente, mais qui pourrait exercer une pression considérable sur le système bancaire suisse.
La Banque nationale suisse est sur le point de réduire son taux directeur de 25 points de base, atteignant ainsi le niveau de zéro pour la première fois de son histoire. Ce mouvement marquerait la fin d’une courte ère de politique monétaire positive et inaugurerait une phase totalement inédite pour le pays.
Une zone inconnue pour les banques
Jusqu’à présent, la BNS a oscillé entre des taux négatifs extrêmes et un retour à des taux positifs, sans jamais s’arrêter à zéro. À son plus bas, le taux avait atteint -0,75 %, un record mondial. Mais maintenir un taux à zéro représente un défi distinct : une « zone grise » que les analystes décrivent comme un no man’s land monétaire.
Dans un tel contexte, les banques ne perçoivent plus d’intérêts sur les dépôts de leurs clients et ne disposent pas non plus d’un argument solide pour leur facturer des frais, sauf en cas de taux négatif. Cela réduit leurs marges d’intérêts, en particulier pour des établissements comme UBS, PostFinance ou la Zürcher Kantonalbank, dont les revenus proviennent largement des dépôts et des crédits hypothécaires.
Pourquoi la BNS pourrait agir maintenant
Les autorités monétaires cherchent à contrer une inflation trop faible, affaiblie par la vigueur persistante du franc suisse. En avril, la monnaie helvétique a atteint son plus haut niveau en dix ans face au dollar, sous l’effet des tensions commerciales déclenchées par la politique tarifaire du président américain Donald Trump.
La baisse des taux viserait à affaiblir le franc et à stimuler l’inflation intérieure. Cependant, cette mesure se répercuterait surtout sur les banques commerciales, qui subiraient une érosion de leurs revenus.
Une situation préoccupante pour le secteur bancaire
Les experts financiers s’inquiètent d’un maintien prolongé des taux à zéro, qui pourrait miner la rentabilité des banques. Selon Ausano Cajrati Crivelli, analyste chez ZKB :
« Un taux d’intérêt stable à zéro est le scénario le plus défavorable pour les banques suisses. À court terme, cela reste gérable, mais si la situation perdure, cela deviendra problématique. »
En 2025, les banques helvétiques anticipent déjà une année difficile. Nombre d’entre elles se préparent également à un éventuel retour en territoire négatif, un scénario que la BNS ne semble pas totalement exclure.
Le spectre des taux négatifs plane toujours
Récemment, le président de la BNS, Martin Schlegel, a rappelé que les taux négatifs restaient une option, bien que « personne ne les apprécie ». Cette déclaration souligne la disposition de la banque centrale à recourir à des instruments non conventionnels pour garantir la stabilité des prix.
Conclusion :
Si la BNS choisit d’abaisser son taux directeur à zéro, l’objectif est clair : relancer la dynamique inflationniste et affaiblir le franc. Mais ce taux neutre, qui ne rémunère ni l’épargne ni ne justifie de frais, pourrait engendrer une pression durable sur les marges des banques. À long terme, les institutions financières suisses pourraient être contraintes de réinventer leurs modèles économiques et leurs stratégies d’exploitation.