Les consommateurs aisés des États-Unis réservent de plus en plus de voyages en Europe à la recherche d’économies fiscales sur leurs achats haut de gamme, alors que les nouveaux tarifs rendent les importations de luxe nettement plus chères dans leur pays.
Les montres suisses sous les projecteurs
Jamie, une New-Yorkaise de 42 ans, et son mari prévoient de se rendre en Suisse en décembre prochain pour des vacances de ski — mais le ski n’est pas leur seule motivation. Le couple a l’intention d’acheter une Patek Philippe Nautilus à Genève, avec un budget compris entre 50 000 et 75 000 dollars, dans l’espoir d’éviter le droit de douane américain de 39 % imposé sur les produits suisses depuis le début du mois.
« C’était un facteur de motivation et un bonus supplémentaire », a déclaré Jamie, en précisant que ce voyage était depuis longtemps dans leurs projets. Si l’opération réussit, le couple pourrait économiser des dizaines de milliers de dollars en achetant directement en Suisse plutôt que chez des détaillants américains.
La Suisse, berceau de prestigieux horlogers tels que Rolex, Piaget et Audemars Piguet, est rapidement devenue la destination privilégiée des voyageurs de luxe soucieux des tarifs, selon la conseillère en voyages Erica Jackowitz. La France et l’Italie — où se trouvent des maisons de mode renommées comme Hermès et Prada — émergent également comme destinations attractives.
Un essor du tourisme motivé par les droits de douane
Les États-Unis ont imposé en août un droit de douane de 15 % sur la plupart des produits de l’Union européenne, tandis que les importations suisses subissent une taxe bien plus lourde de 39 %. Les spécialistes du voyage affirment que ce changement de politique a fortement accru la demande pour des séjours axés sur le shopping.
« Après les concerts de Taylor Swift en Europe l’an dernier, les gens ont réalisé que voyager à l’étranger pouvait en réalité coûter moins cher », a déclaré Jack Ezon, associé directeur chez Embark Beyond. Il rapporte une hausse de 48 % des voyages centrés sur le shopping parmi ses clients par rapport à 2024.
Les montres de luxe et la mode restent les principales attractions. Par exemple, FlavorCloud, une société de logistique transfrontalière, estime qu’une Rolex Lady-Datejust vendue 11 300 dollars en Europe coûterait environ 15 700 dollars aux États-Unis après taxes — soit une majoration de 4 400 dollars.
L’obstacle des douanes
Cependant, les experts en commerce mettent en garde : cette stratégie n’est pas infaillible. Les voyageurs américains doivent déclarer leurs achats à leur retour, et les produits de luxe sont généralement soumis aux mêmes droits, taxes et impôts que les envois importés.
« Il n’y a aucun moyen d’y échapper », a déclaré Rathna Sharad, cofondatrice et PDG de FlavorCloud. « Un sac à main de 4 000 dollars ou une montre de 10 000 dollars sera taxé à la frontière. »
Les voyageurs qui omettent de déclarer leurs articles risquent des sanctions, des amendes et même la perte de leurs privilèges Global Entry. Bien que les agents des douanes disposent d’une certaine marge d’appréciation, les experts affirment que les articles de grande valeur passent rarement inaperçus. Chaque voyageur bénéficie d’une franchise de 800 dollars, les familles pouvant regrouper leurs allocations.
Remboursement de la TVA et avantages tarifaires
Même avec les droits de douane appliqués, acheter en Europe peut rester avantageux grâce aux remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les acheteurs américains sont généralement éligibles à des remboursements supérieurs à 15 %, selon le pays.
« Les remboursements de TVA apportent un double avantage — non seulement les voyageurs récupèrent de l’argent, mais la valeur déclarée en douane est réduite, ce qui diminue le droit à payer », a expliqué Sharad.
Les détaillants fournissent les formulaires de remboursement de TVA au moment de l’achat, et les voyageurs doivent les valider avant leur départ, généralement aux guichets de remboursement des aéroports. Combinées aux prix de base souvent plus bas en Europe, les économies peuvent être substantielles.
Le shopping devient partie intégrante de l’expérience
Les conseillers en voyages intègrent de plus en plus le shopping dans leurs itinéraires personnalisés. Jackowitz organise par exemple un séjour à Paris combinant achats de luxe et arrêts culturels, comme une visite à La Galerie Dior.
Pour Jamie et son mari, la possibilité d’acquérir une rare Patek Philippe à Genève relevait autant de l’expérience que de l’économie réalisée.
