Les obligations souveraines japonaises ont connu une vive chute ce lundi, alors que les rendements des titres à long terme ont grimpé à des niveaux inédits depuis plusieurs années. Les marchés s’inquiètent de plus en plus de la trajectoire budgétaire du pays à l’approche des élections du 20 juillet.
Montée spectaculaire des rendements, reflet des risques croissants
Lundi, les investisseurs ont assisté à une hausse significative des rendements des obligations japonaises, rappelant la volatilité observée lors de certains épisodes des marchés mondiaux. Le rendement du titre à 30 ans du gouvernement japonais a bondi de 13 points de base pour atteindre 3,17 %, s’approchant du record absolu de 3,185 %. Les obligations à 20 ans ont vu leur rendement augmenter de 12,5 points de base, grimpant jusqu’à 2,625 %, un sommet depuis l’an 2000. Sur la maturité 40 ans, la hausse a été vertigineuse : +17 points de base à 3,495 %. Le rendement du 10 ans a également progressé de 7,5 points de base à 1,575 %.
Ce mouvement coordonné sur tout le marché obligataire ne met pas seulement en évidence des risques locaux liés au Japon, mais illustre aussi une inquiétude généralisée sur la viabilité de la dette publique mondiale, une dynamique également visible au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Europe.
Les élections accentuent la volatilité du marché
La pression de vente sur le marché obligataire japonais se renforce à l’approche des élections de la chambre haute (Sangi-in), prévues pour le 20 juillet. Plusieurs sondages locaux laissent entrevoir une perte potentielle de majorité pour la coalition au pouvoir, ce qui stimule la surenchère de promesses budgétaires et fiscales dans le débat public.
Citation d’expert:
Amir Anvarzadeh, stratégiste marchés actions japonaises chez Asymmetric Advisors, explique :
“Les hausses de rendement du jour sont clairement liées au contexte électoral, avec cette course aux promesses fiscales et un discours sur des baisses de TVA. La charge budgétaire, spécialement dans la défense, reste inquiétante, et si les salaires et l’inflation poursuivent leur progression, un tournant budgétaire deviendra inévitable.”
De telles promesses risquent d’alourdir encore plus la dette japonaise, déjà l’une des plus élevées au monde.
Fuite des investisseurs hors des longues maturités
La liquidité sur les obligations à long et très long terme est historiquement basse, exacerbant la volatilité actuelle.
Miki Den, stratégiste senior taux chez SMBC Nikko Securities, confirme :
“On observe un désengagement général des traders avant les législatives. Le manque d’acheteurs et l’accumulation des ventes provoquent de fortes variations de prix et d’offres sur les maturités longues.”
Les analystes de Bloomberg mettent en garde contre l’impact possible de cette volatilité sur la séance européenne, rappelant la fragilité des marchés de la dette globale à la veille des chiffres importants sur l’inflation américaine.
Politique monétaire et anticipations d’inflation en question
Selon Bloomberg, la Banque du Japon envisagerait de relever au moins une de ses prévisions d’inflation lors de sa prochaine réunion de politique monétaire. Ce changement alimenterait les craintes d’un resserrement progressif du soutien monétaire et donc d’une hausse supplémentaire des rendements.
Point de vue du marché :
Shinichiro Kadota, responsable stratégie taux et devises chez Barclays Securities Japan :
“Les inquiétudes fiscales continueront de fragiliser les obligations longues. De tels mouvements à la veille d’élections rappellent une autre époque ; ils n’étaient plus observés depuis des décennies.”
Effet domino sur le marché obligataire mondial
La pression vendeuse sur la dette japonaise fait écho aux mouvements observés ailleurs : lundi, le rendement du 30 ans américain a progressé de 2 points de base à 4,97 %, tandis qu’en France, l’OAT 30 ans montait à 4,22 %. Les investisseurs se détournent des obligations longues, plus sensibles à la surprime fiscale et à l’inflation.
iX Deep : Analyse de fond et perspectives
La correction sur les obligations japonaises est le reflet d’une double source d’incertitude : politique à court terme (scrutin, promesses électorales) et budgétaire structurelle (dette/PIB>250% !). Si les pressions inflationnistes persistent et la Banque du Japon retire petit à petit son soutien, les rendements resteront élevés et les marchés internationaux pourraient être contaminés, notamment si d’autres grands pays développés suivent cette trajectoire.
Pour les acteurs de marché, il est crucial de surveiller autant les annonces de la Banque du Japon que celles du gouvernement japonais, car une envolée des rendements sur le JGB peut provoquer une vague mondiale sur les taux.